Café des vérités

Theodora et Isobel

Encore cette nuit, Isobel n'était pas parvenue à trouver le sommeil. Elle n'avait cessé de se tourner et de se retourner dans son grand lit vide, terrifiée en imaginant ce qu'il avait pu advenir de son époux. Elle avait fouillé partout à la recherche d'une maîtresse avec laquelle il aurait pu fuir tout ce drame. Elle espérait même que ce soit cela. Mais il n'y avait aucun trace d'infidélité... Et la réalité, dure et implacable, s'imposait peu à peu à son esprit.

Emmitouflée dans son manteau rose, elle était pourtant arrivée comme tous les matins à son café, elle était toujours la première sur place même si ses employés avaient une clé. D'ailleurs quand ses derniers l'avait trouvée présente encore, les yeux bouffis de larmes et cernés de fatigue, ils lui avaient tous dis qu'aujourd'hui, ils pourraient gérer seuls : ce qui était tout à fait vrai. Mais en vérité, Isobel ne voulait pas rester seule chez elle, elle avait besoin de voir du monde, de s'occuper les mains à défaut de pouvoir se changer les idées. Toutefois, quand en allant aux toilettes elle aperçu son reflet, elle se mordit la langue et dû leur rendre raison, au risque de faire fuir ses clients. Alors, après s'être fait un thé brulant dans une de ses belles tasses colorées, elle s'était installée dans un coin de la boutique, observant le temps passer et les clients se succéder. Son concept avait bien accroché dans ce quartier de la ville, propice à l'authentique, au vrai, au naturel. Les questions se succédaient dans son esprit, elle ignorait comment il allait, où il était, ce qu'on lui avait déjà fait subir.

Elle n'avait jamais aimé son rôle dans la police pour les risques possibles. Et aujourd'hui que s'était arrivée, elle était seule. Seule avec ses peur et ses interrogations. Il ne lui restait donc qu'à attendre l'arrivée de Theodora qui passait toujours par ici le matin... Espérant qu'elle puisse répondre à ses questions, la rassurer. Mais une part d'elle savait bien que non...

Café des vérités

Theodora et Isobel

C’était ce fameux matin où tout avait basculé, ce matin où elle s’était rendue à son travail pour trouver Tobias Stark assit dans le bureau de son supérieur. Une semaine après la disparition de son coéquipier et ami. Elle n’avait pourtant pas changé ses habitudes, se rendant plus encore au café de l’épouse de Mailer, s’assurant qu’elle allait aussi bien que possible malgré les circonstances. Elle avait prit sa voiture de service, c’était donc arrêté avant de descendre du véhicule, ses talons plats claquant sur le pavé avant qu’elle ne pousse la porte de la boutique.

Saluant d’un geste de la tête les employés, elle leur commanda immédiatement deux cafés long, latte avec un supplément. Rien de très diététique si ce n’était que tous les composants étaient vegan. Sa bonne action, avant ses trois hamburgers ingurgités le midi à toute vitesse pour pouvoir tenir jusqu’à la tombée du jour. Theodora n’avait jamais eu une alimentation très équilibrée, ce qu’elle compensait par une activité sportive intense qui lui permettait de garder une silhouette parfaite.

Lorsqu’elle s’empara des deux cafés, elle balaya la salle du regard avant de tomber sur Isobel, dans un état pitoyable. Heureusement qu’elle n’avait personne dans sa vie, elle détesterait finir comme elle… La jeune femme se fit pourtant violence, et vint tirer la chaise devant elle.

- Salut Isobel, qu’est-ce que tu fiches ici, tu devrais pas bosser alors que… enfin, tu sais.

Elle aurait aimé pouvoir la rassurer, mais comment ? Elle n’avait aucune piste, rien. Juste une disparition soudaine et inexpliquée, et après 48h, difficile de dire si elle pourrait retrouver son coéquipier en vie...

Café des vérités

Theodora et Isobel

Isobel avait levé les yeux en voyant Theodora prendre place face à elle. Elle la regarda, la détailla, sourit maigrement en observant ses deux habituels cafés latte qui était en cet instant le dernier semblant de routine qu'il pouvait lui restait. Elle se mordit la langue en l'entendant, comme tous les autres, elle lui disait qu'elle ne devrait pas être là. Mais elle n'avait nulle part où être ailleurs. Sa maison lui rappelait continuellement sa disparition, la ramenait à chaque instant à ses angoisses. S'y retrouvait la terrifiée. Oh elle aurait pu aller chez ses parents mais elle aurait été si dorlotée par sa mère qu'elle en serait tombée malade. Elle avait même songé à partir en vacance... Mais c'était Donald qui rêvait de voir le monde, pas elle... L'endroit où elle était le mieux, c'était encore ici.

Essuyant de nouvelles larmes elle prit ensuite sa main dans les siennes, s'y agrippant fermement, avec une force désespérée. Elle la regarda, plongea son regard dans le sien en laissant se déverser entre elle son flots d'interrogations et d'inquiétudes :

- Tu as des nouvelles ? Est-ce que tu sais si il voyait quelqu'un ? Est-ce qu'il avait une liaison ? Des ennuis ? Il aurait pu profiter des disparitions pour commencer une nouvelle vie ailleurs peut-être ? Vous étiez proches Theodora... Il t'en aurait parlé... Il était malheureux avec moi ? Je ne pense pas lui avoir imposé quoi que ce soit... Il avait même de la viande ou du poisson tous les jours... Je ne comprends pas...

Elle aurait tout donné pour que ce soit le cas, pour qu'il soit là, quelque part, dans les bras d'une autre, en sécurité... Mais une part d'elle avait comprit que plus le temps passait, moins cette hypothèse tenait la route, il n'y avait aucune activité sur leur compte, sa carte d'identité n'avait passé aucun contrôle, son badge non plus et son téléphone ne donnait aucun signe de vie, pas plus que ces différents comptes Twitter, Instagram ou Facebook.

Elle soupira se baissant le menton, relâchant la main de l'inspectrice qu'elle côtoyait depuis plusieurs années maintenant.

Café des vérités

Theodora et Isobel

Theodora était habituée à la détresse des gens, de ceux qui avaient perdu un proche, qui étaient persuadés qu’ils étaient entièrement responsable de la situation. Elle savait comment les consoler, comment leur redonner un peu foi en l’avenir. Mais face à cette situation qui l’impliquait elle-même, et voir Isobel – qui était devenue une amie – sombre dans la même angoisse que ces inconnus, c’était terrifiant.

Elle serra la main dans la sienne, essayant de l’apaiser de son mieux à travers ce simple geste alors qu’elle-même ne savait pas où donner de la tête. Les circonstances de la disparition de Donald était encore peuplé d’inconnus, de questions, de « mais si »… Et l’impuissance des forces de police à mettre des réponses sur leurs interrogations ne faisait que renforcer son sentiment d’inachevé. L’inspectrice se pencha doucement vers elle, posant une main douce sur son bras.

- Cela n’a rien avoir avec toi, ni avec lui… Isobel, les disparus sont nombreux. Et il en fait malheureusement parti. Je ne peux pas t’en dire plus, parce que je ne suis sur aucune piste. Je peux juste te dire que ça n’implique pas une femme – parce-qu’il t’aimes – ni la nourriture. Quelqu’un de malfaisant s’en ai prit à lui, et je vais tout faire pour le retrouver…

C’était une promesse qu’elle se faisait à elle, et qu’elle faisait à l’épouse de son proche ami. Certes, elle ne savait pas ce que c’était que de partager la vie de quelqu’un, mais elle connaissait l’amour et la tendresse. Et tout ce que cela pouvait impliquer.

Café des vérités

Theodora et Isobel

Isobel et Donald s'étaient rencontrés au lycée, tous deux étaient plutôt populaires, faits l'un pour l'autre. Et à compter du jour où ils étaient sortis ensembles, ils ne s'étaient plus quittés jusqu'à l'été dernière où ils s'étaient finalement mariés.

Mais à présent, tout semblait tourner au cauchemar. Son époux avait disparu, il était peut-être mort, gravement blessé, torturé, ligoté dans une cave humide. Tous les scénario posiible et imaginable était passés dans la tête de la jeune femme qui craignait le pire sans savoir ce qu'il en serait. Et les paroles de Theodora, si rassurante achevèrent de briser son dernier espoir de le retrouver en sécurité. Elle fondit une nouvelle fois en larmes, cachant son visage dans ses mains douce. Oui, la police ferait tout pour le retrouver. Mais plus le temps passait et plus ils avaient de chance de le retrouver plus mort que vivant. Cela la terrifiait.

Elle aurait préféré être totalement étrangère au système, ne jamais avoir soutenu Donald lorsqu'il avait des enquêtes difficiles et délicates. Mais elle savait que quand on promettait de tout mettre en œuvre pour retrouver quelqu'un, on ne promettait pas d'y parvenir et hélas, on n'y arrivait pas toujours.

Elle se reprit péniblement en essuyant ses joues humides, blême, en murmurant des excuses. Elle savait qu'elle devait rester forte et garder espoir, mais cela était compliqué... Et elle avait une autre question une question qu'elle ne s'était pas vraiment posé. Et si il avait découvert quelque chose ? Elle se mordit la langue, la regarda, osant à peine souffler cette hypothèse qui le mettrait dans une position bien plus périlleuse encore.

- Il était sur une piste ?